Louis Michel : « Ni Reagan ni Thatcher. Libéral ! »
DAVID COPPI
samedi 21 mars 2009, 14:57
Entretien LIBÉRALISME : « Stop à la diabolisation. » Reynders : « On est dans la mise à mort. » Crise : « Redonner envie ! Envie d’agir ! »
ENTRETIEN
Le MR lance sa campagne européenne ce samedi, en congrès à Bruxelles. Didier Reynders en président malmené, Guy Verhofstadt en invité vedette, Louis Michel en tête de liste… L’ancien président du MR, actuellement commissaire européen au Développement, revient d’un voyage à Cuba. Pas socialiste pour autant.
Louis Michel, donnez-nous l’axe fort de votre campagne…
Contre les manœuvres de diabolisation, valoriser le libéralisme ! Figurez-vous que si l’Europe a atteint son niveau de bien-être, c’est parce qu’elle est libérale, parce qu’elle a fondé sa prospérité sur l’économie de marché ; encadrée bien sûr, pour donner les mêmes chances à tous au départ, jouer sur l’excellence, redistribuer les fruits de la croissance.
Je suis très fier que l’on parle d’« Europe libérale ». Je me demande ce qu’eût été l’Europe marxiste ! Vous imaginez ? Comme à l’Est jadis… Totalitarisme, sociétés liberticides, pauvreté, régression. Sauvons notre miracle européen ! Sa nature libérale géniale. L’alchimie miraculeuse entre marché, solidarité, liberté.
Vous pressentez que vous aurez à vous défendre là-dessus…
Je n’aurai pas à me défendre, je serai offensif ! Il faut une Europe encore plus libérale, qui compte sur des gens qui en veulent, qui considèrent qu’une crise, ce n’est pas un drame, mais d’abord une opportunité. Pour se remettre en cause. Aussi pour retracer ce qu’est la puissance publique, l’Etat. La tâche des libéraux.
Vous parlez d’Europe « marxiste » en contrepoint de la « libérale »… Au milieu, il y a l’Europe « sociale-démocrate ». N’est-ce pas l’idée qui gagne ?
Eh bien non ! Et puis, c’est quoi l’Europe « sociale-démocrate » ?
On pense à la « régulation »…
La régulation ? Je n’aime pas ce mot. Il dit tout et rien. On ne comprend pas. Je préfère « réglementation ». Le « droit ». Ça, oui. La base du libéralisme : garantir les libertés par le droit. Lisez La norme sans la force de Zaki Laïdi. La valeur ajoutée de la puissance européenne, c’est le droit.
Le terme « régulation » a l’avantage de renvoyer à la « dérégulation » des années Reagan-Thatcher, identifiée parfois comme à l’origine de la crise actuelle
. Mais je me sens aussi éloigné de Reagan et Thatcher que – je suppose, je l’espère pour lui – M. Di Rupo est éloigné de Khrouchtchev ! Qu’on arrête cette diabolisation approximative !
Il ne s’agit pas d’Elio Di Rupo, mais aussi de grands économistes, comme Joseph Stiglitz…
Je ne suis pas d’accord avec lui. Les experts sont utiles, mais lequel suivre ? Certains économistes disent, au contraire, que, dans cette crise, il faut moins de réglementation… Je ne suis pas de cet avis, mais voilà, ces théories circulent aussi. Moi, je constate que, malgré ses défauts, notre système socio-économique a produit une richesse sans précédent. Alors, soyons sérieux ! Ce n’est pas l’Europe libérale qui est en quoi que ce soit la cause de la crise financière, mais le capitalisme conservateur américain. Et je n’ai rien à voir avec ça, moi. Je l’ai dit, il faut ramener du droit, des règles. Sans être ridiculement interventionnistes. Car la règle ne doit pas être foisonnante, mais précise et juste.
Les partis libéraux n’ont-ils pas promu longtemps un discours contestable sur le « moins d’Etat » ?
Mais, à un moment donné, il en fallait moins, de l’Etat. Dans les années 70, celles de l’Etat socialiste… Enfin… j’ai toujours dit qu’il fallait, plutôt, « mieux d’Etat ». Je n’ai pas de préconçu idéologique, je suis un grand défenseur de l’Etat légitime. Mais pour cela, il doit être mesuré, juste, ne pas tuer les initiatives. Henrion disait : « L’Etat à chaque carrefour, pas à chaque volant ».
Cela étant, la crise étant associée, à tort ou à raison, à un certain libéralisme, ne craignez-vous pas pour le MR le 7 juin ?
Quoi ? Une campagne est faite pour expliquer, convaincre. Nous allons démonter les arguments fondés sur rien, tout ce mauvais procès au libéralisme, qui est le garant, justement, de la liberté comme de l’accès à l’éducation, à la santé, à la justice…
Votre libéralisme, votre MR, est celui de Didier Reynders ?
Vous connaissez ma réponse : pas un millimètre d’écart entre nous. Nous sommes différents, c’est tout. Je suis choqué de l’acharnement à son égard. Comme ministre des Finances, il était très exposé, mais la vérité est qu’il a fait exactement ce qu’il fallait faire. Toutes ces attaques ! C’est malhonnête intellectuellement. On n’est plus dans la critique, mais dans la mise à mort.
A la Chambre jeudi, Daniel Bacquelaine a eu des mots très durs pour Ecolo à la fin de la commission Fortis…
Il visait plus M. Nollet qu’Ecolo. Il a dépassé la limite. Ce sont des pratiques que je ne croyais pas possibles à Ecolo.
Didier Reynders a échoué à lancer son Orange bleue, son grand projet…
Cet « échec » n’est pas le sien, il est dû à l’alliance PS et CDH.
Vous croyez ?
Comment pouvez vous poser cette question ?… Chacun le sait : il y a un contrat de survie mutuelle, une assurance-vie gouvernementale PS-CDH. Une alliance de longue durée que seul un résultat électoral peut modifier. Et croyez-moi, celui du 7 juin pourrait être surprenant. Car le MR va un peu à l’élection seul contre tous… D’une certaine façon, ça clarifie. Ceux qui veulent une Wallonie dynamique, optimiste, n’auront pas le choix, ils devront bien voter MR. Faut-il rappeler le clash dans l’enseignement avec le décret mixité ? La façon dont M. Antoine utilise les deniers publics pour sa campagne ? Etc.
Mais la Wallonie est en redressement, non ?
On remonte à la période où les libéraux étaient au pouvoir, entre 1999 et 2004. Depuis lors, c’est la méthode Coué. Je ne dis pas que tout va mal, je respecte l’engagement socialiste, mais objectivement, il est temps de changer. Il n’y a pas eu de remise en question au PS, un parti qui surfe sur une sorte de survie quotidienne. Sans vision. Quelques personnalités se détachent. M. Demotte a des qualités, M. Marcourt tente de faire avec les moyens du bord, mais il y a à chaque fois un manque de vision, de « message ».
Celui du MR, d’un mot…
Envie ! Envie de Wallonie, d’Europe, d’optimisme. Le devoir du politique aujourd’hui, c’est de redonner envie aux gens. Recréer l’appétit de l’action. Non à la déprime !