DÉBAT SUR « LES IMPLANTATIONS COMMERCIALES », EN APPLICATION DE L'ARTICLE 29,8 DU RÈGLEMENT
QUESTION ORALE DE M. JEHOLET À M. MARCOURT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES PME, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES TECHNOLOGIES NOUVELLES, SUR « LE PROJET DE DÉVELOPPEMENT D’UN COMPLEXE COMMERCIAL À SOUMAGNE »
QUESTION ORALE DE MME TARGNION À M. MARCOURT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES PME, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES TECHNOLOGIES NOUVELLES, SUR « LE PROJET DU CENTRAL PIAZZA À SOUMAGNE »
INTERPELLATION DE M. WESPHAEL À M. MARCOURT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES PME, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES TECHNOLOGIES NOUVELLES, SUR « LA POLITIQUE DE MONSIEUR LE MINISTRE EN MATIÈRE D’IMPLANTATION DES SURFACES COMMERCIALES EN RÉGION WALLONNE »
QUESTION ORALE DE M. ELSEN À M. MARCOURT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES PME, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES TECHNOLOGIES NOUVELLES, SUR « LA POSITION DU GOUVERNEMENT PAR RAPPORT AU PERMIS SOCIOÉCONOMIQUE RELATIF AU DÉVELOPPEMENT D’UN NOUVEAU CENTRE COMMERCIAL À SOUMAGNE »
Mme la Présidente. – Nous avons pris la décision d'organiser ce débat en séance plénière et pas en Commission car il aborde des questions de politique régionale, certes illustrées par des dossiers locaux mais dans une approche bel et bien régionale.
M. Marc Bolland (PS). – Je constate avec beaucoup de perplexité l'assistance sur les bancs du Parlement, alors que nous discutons d'un sujet certes beaucoup moins médiatique que celui de tout à l'heure mais qui concerne des travailleurs qui risquent leur emploi. Maintenant, nous abordons un sujet qui concerne aussi des travailleurs qui développent leur entreprise, je ne peux que le constater.
Deuxième point, je tiens à souligner que j'ai fait mes petites présences tout l'après-midi et que les parlementaires présents sont constitués d'une immense majorité de mandataires communaux, et la plupart du temps d'une majorité de bourgmestres et d'échevins.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – L'intervention de M. Bolland risque d'entraîner à l'avenir des débats intéressants sur d'autres sujets !
Hier, nous avons discuté de la sidérurgie wallonne. Aujourd'hui, nous parlons d'Inbev. Sans tomber d'accord sur tout, je constate que nous avons des approches communes .
Cependant, dans ce dossier-ci, j'ai l'impression que l'on va davantage s'opposer.
Monsieur le Ministre, votre volte-face m'a surpris. Ce dossier concerne les Pouvoirs locaux, la commune de Soumagne en l'occurence par rapport à l'implantation d'un complexe commercial. Il y a de nombreuses implantations commerciales en province de Liège. Je pense notamment à Médiacité, à Liège même, qui a une superficie commerciale importante. Cela peut susciter des inquiétudes pour le commerce du centre-ville, le commerce de proximité et le commerce local.
L'annonce, en 2008, d'un complexe commercial à Soumagne m'a fait réagir. Début 2008, j'ai interpellé différentes instances et le Conseil communal de Herve qui ne m'a pas suivi. J'ai attiré l'attention sur ses conséquences négatives pour le commerce local. Je regrette de ne pas avoir été suivi par le Conseil communal.
La Majorité PS-cdH avait estimé qu'il n'était pas important de se prononcer sur un dossier qui ne concerne pas directement les commerçants de Herve. Cependant, il concerne les commerçants du plateau de Herve.
J'ai pris mes responsabilités en matière d'implantations commerciales. J'ai toujours marqué mon opposition au projet d'un magasin outlet à Verviers. J'ai été sensible à l'importance de redynamiser le centre de Verviers qui se paupérise. Je pensais à l'activité que l'on pouvait y ramener. Je l'assume.
Je suis perplexe car nous savons que l'abondance de l'offre risque, en l'occurrence, de porter préjudice aux commerces qui existent en périphérie. En outre, nous sommes tous d'accord pour dire que l'offre commerciale sature. Des nouveaux dossiers de ce genre peuvent être envisagés dans le cadre d'une redynamisation des centres-villes. Or, ce n'est pas le cas ici.
A l'époque, nous avions eu de nombreuses heures de débat avec le Ministre Antoine sur le décret « remembrement urbain ». Mon groupe avait proposé des amendements et voté le texte. Ici, pour ce qui est de Soumagne, ce site est une friche à assainir. Que la Région wallonne finance pour créer un parc, des logements ou d'autres projets de ce type, je suis d'accord. Mais développer un complexe de 20.000 m2 dans le cadre d'une troisième version du projet, je m'y oppose.
Dans le cadre des deux projets précédents, les commerçants avaient marqué leur intérêt. Pas dans cette version. Par ailleurs, il y avait le contexte d'une création éventuelle de la liaison Cerexhe-Beaufays, ce qui n'existe plus à l'heure actuelle. Comme vous le savez, l'Olivier a décidé de faire l'impasse sur cette liaison.
On a en outre ici présent le bourgmestre de Blégny qui veut développer des commerces dans son centreville.
Le projet devrait voir le jour sur une nationale déjà saturée en termes de travailleurs qui se rendent à leur emploi, et de commerces existants. Il y a aussi un important réseau scolaire aux alentours. On va donc surcharger le tout et rencontrer d'importants problèmes de mobilité.
Je vous rappelle, en outre, que trois avis négatifs avaient été formulés par le Comité socio-économique.
L'UCM avait introduit des recours. Sur les cinq représentants ministériels, on a trois francophones, dont deux, ceux qui représentent Mmes Milquet et Laruelle, se sont montrés cohérents. Votre représentant, lui, s'abstient et, malheureusement, le dossier franchit une étape. Pourquoi ne s'est-il pas joint aux représentants des deux autres Ministres francophones ?
J'espère que la Région wallonne aura in fine le courage de refuser le projet, mais je crains qu'il ne soit déjà trop tard. De plus, combien de complexes commerciaux existent déjà dans l'arrondissement de Liège ? Ici, on se situe à la frontière des deux arrondissements. Ce serait une surcharge supplémentaire.
Des bourgmestres se sont déjà opposés au projet, y compris au sein de votre formation politique.
Monsieur le Ministre, j'en appelle au dialogue et à la cohérence avec les objectifs de la DPR.
J'ai, en outre, entendu que certains veulent faire de Liège une ville touristique, avec l'ouverture des commerces le dimanche. Si l'on fait cela, on tuera les commerçants et je puis vous dire que nous nous mobiliserons.
J'ai toujours refusé l'opposition Liège-Verviers. Mais ici, un pas de trop a été franchi.
Mme Muriel Targnion (PS). – La DPR prône le retour des commerces dans les centres-villes. La logique veut qu'en centre-ville s'installent des commerces spécifiques, des commerces de chaussures, de vêtements, d'accessoires. Et que l'on réserve à la périphérie les commerces de produits de type électroménager.
C'est cette logique que je défends en tant qu'Échevine du Commerce à Verviers.
Nous nous trouvons ici en bordure de l'arrondissement de Verviers. Aucunement dans un centre-ville. L'avis positif dont il est question serait donc néfaste à l'arrondissement de Verviers, aux commerces du centreville et aussi aux commerçants de l'arrondissement de Liège.
Je vous rappelle qu'en 2006, une étude de l'ULg disait que l'offre commerciale de l'arrondissement était saturée.
C'est vrai que cela crée de l'emploi et de l'activité économique, mais si c'est au détriment d'autres emplois,ce n'est pas ce que l'on recherche.
L'Union des Classes Moyennes de l'arrondissement de Verviers, qui représente les commerçants, trouve
aussi que ce projet porte préjudice.
Je vous comprends. Vous avez évoqué la Directive Bolkestein pour votre prise de décision au sein du comité interministériel. Je voudrais juste rappeler que le Groupe socialiste a effectivement dû voter ici, au Parlement, la transposition de cette Directive mais uniquement par pure obligation. Sans cela, nous condamnions la Belgique à payer des amendes. Nous ne l'avons pas fait par idéologie philosophique,contrairement à d'autres partis.
Je m'interroge sur les inconvénients d'un tel centre commercial. Quelle est votre politique par rapport à l'implantation de ces centres commerciaux dans les centres villes ? Quelle suite allez-vous donner au dossier de Soumagne ?
M. Bernard Wesphael (Écolo). – Moi aussi, je suis un peu échaudé par cette politique. Il y a plus de 15 ans que je me bats contre cette anarchie en termes d'aménagement du territoire. Cela pose des problèmes majeurs en termes de pertes d'emploi, mais aussi des problèmes d'insécurité dans des quartiers désertés par les commerces. Qui plus est, sur le plan social, il est évident que le portefeuille des ménages n'est pas extensible et qu'il faut tenir compte de ce critère.
Il y a aussi la notion de l'emploi, mais il faut se dire que 200 emplois créés pour un centre commercial correspondent à 200 emplois perdus ailleurs. Je me souviens qu'autrefois, j'étais le seul à m'être opposé aux « Factory Outlet Center » à Verviers. Je respecte ceux qui se battent pour la survie des petits commerces. Il ne faut pas avoir une logique dichotomique entre les emplois que l'on peut créer de manière industrielle et la création de richesses à tout petit niveau. Aujourd'hui, cette structure que nous avons créée ne ressemble plus à rien.
En ce qui concerne le dossier de Soumagne, j'aimerais qu'il y ait beaucoup plus de cohérence au sein des mandataires. Parfois, des mandataires locaux défendent l'implantation d'un centre commercial. C'est le cas de M. Janssens à Soumagne qui dit défendre l'intérêt de sa commune. C'est une position assez remarquable au moment où il est tant question de développement durable. D'autres font des recours contre l'implantation de ce centre, etc. Des mandataires socialistes sont incommodés par ce projet et s'étonnent de votre abstention. Je peux comprendre que vous soyez légaliste et que vous respectiez la Directive Bolkestein. Moi, je dis qu'il faut l'envoyer pèter.
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des
Technologies nouvelles. – Vous choisissez donc quelle loi vous voulez respecter.
M. Bernard Wesphael (Écolo). – Vous auriez pu avoir le même type de discours à l'égard de Bolkestein que ce que vous avez eu à l'égard d'InBev. La politique d'implantation commerciale est tout de même une compétence fédérale qui devrait être régionalisée pour qu'on puisse au moins réfléchir en terme de bassin de vie et arrêter l'anarchie.
Tout le monde est contre le projet de Soumagne. La liste des opposants est longue. Le fil est d'autant plus gros que, dans les 24 heures qui ont suivi l'annonce de votre abstention, Mme Linda Musin, Députée-Bourgmestre de Fléron a annoncé que sa commune allait se pourvoir en recours contre la décision que votre abstention a permise. Willy Demeyer fait chorus. Il a d'ailleurs dit : « l'intérêt collectif doit primer sur l'individuel. Je comprends la Commune de Soumagne, mais je ne suis pas favorable au projet ».
Votre abstention dans le cas de l'implantation à Soumagne serait-elle la manifestation d'une nouvelle politique ministérielle ? Si oui, pourriez-vous éclairer le Parlement sur sa teneur ? Si non, pouvez-vous donner des raisons expliquant votre abstention, autres que la Directive Bolkestein ? Il est grand temps que vous vous resaisissiez et que vous repreniez ce dossier en mains.
Des communes comme Fléron ont peur que tous leurs commerces disparaissent. Or, des études ont montré l'impact du centre commercial de Soumagne directement sur la commune de Fléron. Je demande que l'on puisse faire des auditions et organiser un débat de fond sur cette question. Tant qu'il n'y a pas l'avènement de communautés de territoire dont il est question dans la DPR, nous serons toujours dans un magma de décisions et dans un illogisme politique profond.
Mme Monika Dethier-Neumann (Écolo). – Par deux fois, le projet de Soumagne a été recalé au stade du comité ministériel. Lorsque les cinq Ministres devaient se prononcer début janvier, il fallait revenir trois fois pour que le projet puisse être définitivement recalé. Malheureusement, les voix des Ministres cdH et du MR n'ont pas suffi car le Ministre Marcourt s'est abstenu.
Vous n'avez pas dit oui, mais vous n'avez pas dit non. J'acte et je me pose des questions. Avons-nous besoin d'autant de centres commerciaux quand on sait que le pouvoir d'achat n'augmente pas à la même mesure.
Pour toute justification, vous citez la Directive Bolkestein qui est d'application depuis le 1er janvier et qui libéralise le marché. Vous expliquez que, dorénavant, seuls les effets sur l'aménagement du territoire sont pris en compte. Si tel est le cas, pourquoi le Ministre de l'Économie représente-t-il les intérêts de la Région wallonne dans ce comité. Pourquoi ne pas avoir concerté le Ministre de l'Aménagement du Territoire ? Votre explication est un peu courte. La loi fédérale transposant la Directive stipule que restent pris en compte les critères de la localisation spatiale, de la protection de l'environnement urbain, la protection des consommateurs, le respect de la législation sociale et du travail.
Rappelons aussi que ce nouveau centre commercial ne correspond pas aux objectifs de la politique régionale qui préconise le recentrage des commerces vers le Centre.
Rappelons également que le PUM définit Fléron en tant que centre commercial, mais pas Soumagne.
Cette explication me semble un peu courte car vous omettez de donner des nuances dans l'arrondissement entre un Bourgmestre de Verviers qui dit non, un Bourgmestre de Soumagne qui dit oui et une Bourgmestre de Fléron qui dit non. Vous n'osez pas alors vous positionner et vous mettez des commerçants et les citoyens devant une décision peu porteuse d'un développement harmonieux du commerce.
Deuxième question, comment allez-vous conjuguer la non-décision de Soumagne avec la DPR ?
Maintenant, j'aimerais avoir un oui ou un non comme réponse à la question suivante. En 2007, Ecolo et Groen ont déposé au niveau Fédéral une proposition de loi modifiant les implantations commerciales. Je vous invite, via le groupe PS de la Chambre, à soutenir ce texte. Le ferez-vous ? Si c'est le cas, vous permettrez le développement commercial, grand ou petit.
M. Marc Elsen (cdH). – La Conférence des présidents a jugé intéressant d'élargir ce débat en y intégrant mon intervention. Celle-ci comportera donc d'une part des considérations générales et, d'autre part, une intervention plus particulière concernant un nouveau centre à Soumagne.
La question des implantations commerciales est essentielle en terme d'aménagement du territoire, de mobilité, d'impact sur les centres urbains dans leurs aspects commerciaux, urbanistiques, environnementaux,socio-culturels, etc.
Pour rappel, la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales fut revisitée en 2004. Cette législation fut adaptée afin de contrer un certain nombre de difficultés résultant de la législation de 1975 tout en assurant une simplification des procédures et en conférant une plus grande autonomie aux Pouvoirs locaux.
La commune joue un rôle important dans la délivrance de ces permis. Pour rappel, les implantations commerciales sont réparties en quatre catégories selon la surface commerciale, chacune étant régie par uneprocédure propre.
Cette loi assez jeune dans son application vient d'être modifiée par la loi du 22 décembre 2009 suite à la directive européenne dite directive « service » de 2006.
Pour rappel, cette directive « service » vise à réaliser un véritable marché de service intérieur en supprimant les obstacles juridiques et administratifs illicites qui entravent le développement des activités de services entre les États membres. Dans le cadre des implantations commerciales, elle interdit aux pouvoirs de subordonner l'accès à une activité de services ou son exercice au respect de l'exigence suivante : l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente.
En interdisant pareil test économique, la directive a remis en cause la loi de 2004 et plus spécifiquement trois des quatre critères utilisés actuellement, à savoir l'influence du projet sur l'emploi, les intérêts des consommateurs et les répercussions du projet sur le commerce existant.
La loi du 22 décembre 2009, afin de se conformer à cette directive, adapte ainsi sa législation et précise que, dorénavant, les permis socio-économiques seront basés sur :
• la localisation spatiale de l'implantation commerciale ;
• la protection de l'environnementurbain ;
• la protection du consommateur ;
• le respect de la législation sociale et du travail.
Cette modification législative est importante et conduit l'ensemble des acteurs à mener une réflexion globale sur l'évolution de cette législation et en particulier sur la politique des implantations commerciales en Région wallonne.
L'Union des Villes et Communes de Wallonie a remis un avis assez intéressant sur ce sujet.
En effet, elle plaide pour la création de schémas commerciaux sur deux niveaux : le régional et le communal. Ces schémas, qui auraient valeur indicative, permettraient de constituer un cadre de référence clair afin de guider les politiques à la fois régionales et locales en matière d'implantations commerciales.
Cette initiative me paraît pour le moins intéressante et mérite la réflexion. Il reste évident que les communes ont un rôle important à jouer en la matière.
Au niveau communal, la réflexion ne doit pas se limiter aux limites du territoire de chaque commune, l'impact d'une implantation commerciale dépassant largement ses limites géographiques. Il semble plus judicieux que la réflexion face à ce développement soit menée par plusieurs communes, par exemple par bassin de vie et ce, via des schémas de structure communaux articulés, voire concertés.
Cette proposition induit la réflexion plus globale pour la Région wallonne, de savoir quel paysage commercial nous souhaitons ?
A l'heure actuelle, on constate un nombre exponentiel de projets d'implantation commerciale, mais la Région wallonne est-elle seulement capable d'absorber l'ensemble des projets de surface commerciale ? Le voulons-nous ?
On constate actuellement un développement des périphéries au détriment des centres urbains, un déclin du commerce de proximité, l'apparition de friches commerciales tant en centre-ville qu'en périphérie.
Plusieurs raisons sont évoquées afin d'expliquer le pourquoi de ce développement. On peut citer l'apparition sur le marché de nouveaux concepts commerciaux, la multiplicité des acteurs privés (promoteurs, enseignes, ... ), les contraintes financières, etc.
Il faut rappeler une évidence : même si les partenariats public-privé doivent selon nous être privilégiés dans ce domaine, les acteurs privés tels que les promoteurs sont là pour développer un projet commercial et, dans la plupart des cas, le revendre.
Ils n'ont pas précisément de vision de l'intérêt général. Je dirais volontiers : à chacun son métier. À cetégard, les compensations, appelées charges d'urbanisme, sont à considérer comme un pas de porte qu'ils doivent payer pour développer leur projet, jamais, cela va sans dire, de la philanthropie. La législation actuelle donne un important pouvoir de décision au niveau de la commune et permet à de grands groupes de mettre la pression sur des administrations locales souvent désargentées et pas toujours au fait des questions essentielles liées à l'Aménagement du Territoire. Pour un élu local, le mirage des compensations peut parfois justifier toutes les décisions.
Les effets bénéfiques sur l'emploi sont souvent évoqués également, mais sont-ils réels ? De manière générale en cette matière, l'offre ne crée pas nécessairement la demande. Dès lors, l'arrivée dans une zone déterminée de nouveaux espaces commerciaux est de nature à attirer en son sein du commerce qui se trouvent dans un rayon d'action relativement proche. On ne crée dès lors que très peu d'emplois nouveaux en créant un centre commercial. En réalité, il s'agit plutôt de vases communicants.
Le Ministre Antoine a toujours plaidé, en particulier sous la précédente législature, pour que les grands centres commerciaux soient situés dans les centres-villes plutôt qu'en périphérie, tout en s'intégrant, en s'articulant avec les commerces existants.
Il est aussi essentiel que ces centres commerciaux s'intègrent en termes tant urbanistiques qu'environnementaux. Une étude intéressante de la CPDT a d'ailleurs été menée à ce sujet.
Il est important de revitaliser nos centres urbains et d'y privilégier l'implantation commerciale, subtilement articulée avec le logement et les espaces de vie collective.
Depuis vingt ans, la norme est aux « boîtes à chaussures » — complexe assez bétonné, bien souvent conçu en autarcie, sans grande recherche urbanistique — en périphérie : le foncier y est moins cher et l'accessibilité en voiture plus aisée. Cette politique a déstructuré les noyaux urbains, les vidant de leurs commerces. Il s'agit donc d'une question d'Aménagement du Territoire fondamentale pour l'avenir de nos centres urbains. Prenons garde aussi de ne pas laisser transférer systématiquement ce concept dit « de boîte à chaussures » au coeur des villes .
Monsieur le Ministre, vu la multiplicité des acteurs publics — principalement les communes et la Région -, ne serait-il pas intéressant de refonder la réflexion au départ d'une instance supérieure qui prendrait à bras le corps la problématique des implantations commerciales, tout en évitant de casser l'autonomie de chaque commune ?
D'autre part, je pense que les mandataires locaux doivent employer toute leur énergie pour fédérer et concerter, le plus possible en amont des processus censés mener à de nouvelles implantations commerciales, l'ensemble des acteurs concernés : à la fois les communes, la Région, les acteurs socio-économiques et la population qui se montre de plus en plus intéressée face à ces enjeux, et active notamment via l'associatif, ce que l'on constate notamment à travers les enquêtes publiques. Il est fondamental de définir le paysage commercial que nous souhaitons et ce, de manière concertée,cohérente et durable.
Monsieur le Ministre, la question est importante et la réponse y apportée aura des conséquences importantes notamment en termes d'Aménagement du Territoire, il faut vraiment que les implantations commerciales s'intègrent dans les centres urbains en fonction des caractéristiques urbanistiques, environnementales et socio-culturelles, tout en privilégiant des projets ambitieux de qualité.
Quelle est la politique du Gouvernement en cette matière ? Quelles implantations commerciales souhaite-t-il voir se développer sur le territoire ?
A ce sujet, je souhaiterais aborder un cas pratique particulier, à savoir l'acceptation du permis socioéconomique du projet central Piazza, à Soumagne.
En effet, ce mardi 5 janvier, lors de la réunion du comité interministériel pour la distribution où vous représentiez la Région wallonne, votre abstention a indirectement contribué à l'acceptation de ce permis socioéconomique.
En effet, un recours s'opposant à l'octroi du permis socio-économique avait été introduit et ce, pour la 3ème fois : les deux premières fois, votre opposition associée à celles du cdH et du MR avait mené au refus du permis socio-économique ; cette fois, cependant, votre abstention a conduit à la décision inverse.
Ma question revient à essayer de comprendre ce qui a engendré ce changement de position qui, à mon sens est susceptible de causer un réel préjudice aussi bien pour l'arrondissement de Verviers que pour le commerce liégeois. D'ailleurs, à ce titre, le Forum des forces verviétoises s'était prononcé, à l'unanimité, contre ce projet de même que Monsieur Demeyer, le Bourgmestre de Liège. C'est ici le difficile arbitrage, je le conçois, entre les intérêts particuliers légitimes d'une commune et l'intérêt général de la province qui est au coeur du débat.
Pour rappel, la loi du 22 décembre 2009 impose au comité interministériel, dans la remise de l'avis, de prendre en considération la localisation spatiale de l'implantation commerciale, la protection de l'environnement urbain et du consommateur, ainsi que le respect de la législation sociale et du travail. Autrement, dit, le Comité interministériel était donc pleinement compétent pour se prononcer sur l'opportunité d'installer ce centre commercial à Soumagne et, le cas échéant, refuser le permis socioéconomique.
A ce titre, dans les motivations des refus des deux premiers recours, le comité interministériel met en avant de nombreux arguments, j'en citerai quelques uns :
• saturation de l'axe routier RN3 à laquelle il s'agit d'ajouter l'incertitude de l'aboutissement de la liaison Cerexhe-Heuseux-Beaufays ;
• Soumagne n'a pas de vocation commerciale particulière ;
• le projet vise très clairement une clientèle de passage via, notamment, le captage direct de la sortie autoroutière. De ce fait, il se trouve en interception du trafic routier au détriment du centre commercial de la commune.
De plus, une étude de la CEGEFA, sollicitée par la commune voisine de Fléron, conduit à « refuser un complexe de cette ampleur en raison de l'effet déstructurant sur le pôle commercial existant. »
Plus important, dans les deux premiers recours, le Comité interministériel considère que « de manière plus générale, la commune de Soumagne compte environ 15.600 habitants et n'a pas de vocation commerciale particulière mais exerce plutôt une fonction autonome entre les centres supra locaux de Fléron et de Herve.
L'ampleur du projet est donc telle qu'il excède fortement la fonction et la taille de la commune d'accueil et qu'il n'est dès lors plus en corrélation avec ses potentialités » et il ajoute : « un complexe commercial d'une telle dimension ne semble pas correspondre à la vocation de la commune de Soumagne dont la fonction commerciale se limite à un caractère local. »
Tous ces arguments, à mon sens, restent entièrement valables pour le dernier projet déposé dont les modifications sont restées mineures et justifieraient pleinement, cette fois encore, le refus du permis socioéconomique.
Dès lors, Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous préciser les éléments nouveaux qui vous ont amené à modifier votre position par rapport aux versions précédentes du projet ? Pensez-vous que ce centre commercial est en accord avec la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement wallon qui plaide pour un retour des centres commerciaux en coeur de ville ? Plus généralement, comment envisagez-vous le développement commercial équilibré de la province de Liège, compte tenu également de ses récentes évolutions dont le projet Mediacité à Liège ?
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – Mesdames et Messieurs, les quelques Députés qui restent, je constate que la demande faite par la Présidente de mener un débat autour de cette problématique est un voeu pieux.
Mme la Présidente. – Je l'ai constaté, Monsieur le Ministre.
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – Merci Madame la Présidente. Ce débat s'est finalement résumé à la question de savoir s'il fallait établir un centre commercial à Soumagne. Cependant, je considère que votre demande, Madame la Présidente, de mener un débat de politique régionale sur cette problématique est essentiel. Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites. Je constate également que ma réponse intéresse peu M.Wesphael !
J'en ai assez de cette politique fédérale qui fait croire qu'il y a un encadrement en matière d'implantation des centres commerciaux mais qui vide de tout son sens le Comité socio-économique qui existe. Il y a cinq représentants au sein de ce Comité et en tant que Ministre wallon présent au sein de celui-ci, je me suis abstenu. C'est la Ministre des Classes moyennes qui a transposé la directive Bolkenstein au Fédéral en vidant de tout leur sens des éléments importants.
Déjà, en 2004, nous posions que c'est la commune, la commune seule qui doit être le moteur du projet.
Où et quand le Fédéral a-t-il commencé à mettre en évidence une aide à la gestion ? Au sein de ce Comité fédéral, ce ne sont pas des partis politiques mais des Ministres fédéraux qui appliquent une loi de décembre 2009 qui est une mauvaise loi.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Le PS ne l'a pas votée ?
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – Je suis Ministre régional, je m'occupe de politique régionale. Je demande la régionalisation de cette loi. C'est votre parti qui a fait en sorte qu'elle soit votée.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Bravo, si c'est cela vos arguments !
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – C'est une mauvaise loi. Aujourd'hui, l'effet positif est que le Fédéral ne s'occupe plus de ce dossier. Le problème est que l'on ne peut plus faire comme avant, c'est-à-dire analyser si le projet va entraîner une délocalisation des activités ou une augmentation des activités. Régionalisons cette loi.
Mme Cornet voulait m'interpeller sur le dossier « Citta Verde », mais elle a reporté son interpellation en l'absence de mon Collègue. Je peux cependant lui indiquer que ce dossier est passé aujourd'hui. Je pense qu'il faut affirmer qu'il existe un vice important au niveau de la loi fédérale. Je le répète, il faut la régionaliser.
Pour ma part, je défends l'activité au centre-ville, j'habite moi-même un centre-ville, mais donnons-nous les moyens juridiques pour le faire.
Au Comité socio-économique, on prend une loi qui tient compte de l'impact économique mais après cela, on dit « non » parce qu'il y a un impact économique ! Il y a une forme d'hypocrisie dans le fait de prendre une loi qui libéralise les choses pour, ensuite, refuser de l'appliquer parce qu'elle libéralise.
Je compte dresser un cadastre des projets de centres commerciaux et un état des lieux des impacts sur les communes. Toutes les études montrent que le projet commercial de Soumagne ne remet pas en cause le développement de Verviers, ni de Fléron.
J'estime qu'il faut réformer les choses en profondeur, si l'on veut appliquer la DPR. Je dispose aujourd'hui d'un inventaire, en l'occurence un logiciel qui reprend 95 % des surfaces implantées en Région wallonne. Nous avons développé une expérience-pilote en province de Namur qui s'est terminée en 2008. L'une des communes qui nous a le plus soutenus est la ville de Gembloux. La Ville de Namur a également été active.
Il faut adapter ce logiciel aux nouveaux critères de la loi. Vu que la loi a été modifiée, il faut le faire pour la rendre compatible « vers le bas ». Le Fédéral doit déterminer de nouveaux critères. Mais il faut revenir sur cette loi. Nous avons besoin de nouveaux critères en matière de protection des consommateurs et de respect de l'environnement urbain.
Aujourd'hui, rien dans la législation ne permet de remettre en cause ce projet. Si l'on pouvait avoir un schéma directeur régional, on pourrait, avec l'Aménagement du Territoire, entamer une réflexion, analyser comment implémenter ce projet.
Le projet « Citta verde » de Soumagne a obtenu un accord au Comité socio-économique, mais il est bloqué au niveau de l'Aménagement du Territoire. Il n'en est encore nulle part ! Il n'y a pas aujourd'hui de permis de bâtir.
Je veux mettre en oeuvre des réformes, quoi qu'il arrive. Je veux réaliser une mise à jour de l'étude des comportements des consommateurs car la précédente date de 1990. En 20 ans, les choses ont changé. Cela permettra de justifier une implantation. Je veux également développer l'outil à la décision. J'ai demandé une étude à ce sujet sur l'ensemble du territoire wallon. Je tiens par ailleurs à faire réaliser un schéma directeur régional des implantations. Quoi qu'il arrive, je préparerai un nouveau décret.
On aurait pu régionaliser avant le 1er janvier 2010 l'implantation des centres commerciaux. Cela nous aurait évité des ennuis.
Ma Collègue en charge des classes moyennes a voté pour l'implantation d'un Mediamarkt à Herstal alors qu'il y en a un à Liège. Le zoning de Herstal n'est pas un centre urbain alors que le Mediamarkt à Liège se situe Place Saint-Lambert. Je n'ai pas souhaité voter pour ce projet car il y a des dificultés. Pour moi, le Gouvernement fédéral, par une loi fédérale qu'il a fait voter au Parlement, empêche de donner un sens à cette politique.
Si la commune de Soumagne introduisait un recours, elle aurait gain de cause.
Quand une loi est bonne, il faut l'appliquer. Si elle est mauvaise, il faut en changer. Au niveau fédéral, seul le Ministre Van Quickenborne, qui voulait supprimer cette loi, a été cohérent.
La législation de 2004 donne un droit d'initiative à la commune et diminue les critères permettant de déterminer les choix lors de l'analyse d'un projet. De telle sorte que les propositions de centres commerciaux ne pourront qu'augmenter.
Je signale par ailleurs que le Fédéral a transcrit la « directive services » de manière très auto-régulatrice, de manière très libérale. En agissant de la sorte, tout pouvoir de contrôle a été voté à la Région.
Je prône un travail commun pour que nous puissions établir le schéma directeur des implantations commerciales et que nous puissions prendre, au niveau régional, ce décret d'encadrement.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Ce n'est pas moi qui ai demandé de généraliser le débat.
Mme Isabelle Simonis (PS). – Mme la Présidente a rappelé que la Conférence des présidents avait décidé de procéder à un débat global et d'y adjoindre un certain nombre d'exemples, dont Soumagne. Vous n'avez peut-être pas demandé la généralisation du débat, mais la décision était celle-là.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Je pense qu'un Parlementaire est encore libre de ses interpellations. La mienne était claire, je souhaitais interroger le Ministre sur Soumagne. Je vous rappelle qu'à cet égard, la DPR est claire. Je ne voudrais donc pas qu'on me reproche quoi que ce soit, non pas à mon groupe mais bien à moi, à titre personnel.
Mme la Présidente. – Je ne vous reproche rien. L'accord était clair en Conférence des présidents. Vous disposiez de 30 minutes et n'en avez utilisé que la moitié.
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Nous devrions peut-être tirer les conclusions de ce débat, durant lequel quelques problèmes se sont posés.
Sur le fond, si l'on veut élargir le débat, le fait qu'il y ait consensus pour procéder à une régionalisation de la matière est un élément positif. Pour ce qui est du Fédéral, je vous rappelle que le PS a voté la loi. Vous dites qu'elle prive le pouvoir régional de tout contrôle. Mais votre représentant pouvait s'exprimer par un recours interministériel. Pourquoi avez-vous changé d'avis ? Des études existent sur le dossier de Soumagne.
Au début, celui-ci devait voir le jour à Fléron. La capacité commerciale de cette commune aurait été doublée. Quelle absurdité !
Il s'agit clairement d'un mauvais dossier tant d'un point de vue des transferts économiques qu'il impliquerait que des pertes d'emplois qu'il engendrerait.
M. Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles. – Vous ne pouvez plus prendre en compte ce critère. C'est votre Ministre fédéral qui l'a supprimé. Et vous voulez maintenant qu'on l'applique en douce !
M. Pierre-Yves Jeholet (MR). – Je ne vous comprends pas. Vous critiquez le Fédéral à tout bout de champ. C'est facile. Mais la réalité est que vous avez commis une erreur politique.
Mme Muriel Targnion (PS). – Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Ministre, sur le fait que les critères votés par le Fédéral sont bien trop faibles. Vous dites également que, si l'on pouvait régionaliser la matière, nous pourrions aller plus loin dans la mise sur pied d'un schéma des implantations commerciales.
Allons donc dans cette direction car, même si une commune a le dernier mot, elle est rarement suffisamment importante, d'un point de vue économique, pour pouvoir ne pas tenir compte du bassin économique avoisinant.
En ce qui concerne le dossier particulier de Soumagne, j'espère que lorsqu'il aboutira en Aménagement duTerritoire, des barrières seront mises pour le bloquer.
Mme Monika Dethier-Neumann (Écolo). – Monsieur le Ministre, vous pouvez avoir une philosophie générale sur la politique à mettre en oeuvre dans cette matière. Mais il faut vous prononcer par oui ou par non sur les problèmes particuliers.
Je soutiens votre souhait de réflexion globale, je sais que vous disposez de certaines études, mais j'attends de mesurer les décisions concrètes.
Le dossier spécifique de Soumagne pose néanmoins un problème. J'espère que le Ministre en charge de l'Aménagement du Territoire nous sauvera !
M. Marc Elsen (cdH). – Nous avons fait le point sur l'état général de la question. Tout comme vous, je n'ai pas une bonne opinion de la « directive services », mais la loi de décembre 2009 impose au Comité interministériel de prendre en compte la localisation spatiale des projets. Or, sur base de ce critère là, il y avait inadéquation avec la redynamisation des centres commerciaux.
Tant mieux si l'on peut encore éviter la réalisation du projet.
Enfin, je ne suis pas au courant de l'étude faisant état de l'absence de répercussions néfastes en cas de mise sur pied du centre commercial de Soumagne. Je serais intéressé d'en prendre connaissance.
Mme la Présidente. – Ceci clôt nos travaux du jour.
A chacun maintenant de se faire son opinion sur ce sujet